Tu as déjà remarqué comme ceux qui critiquent le politiquement correct sont justement en plein dans le politiquement correct ?
C’est un truc hyper énervant, dans une discussion. Pas forcément facile à repérer quand on n’est pas bien informé sur le sujet ceci dit.
Tu sens qu’il y a de l’hypocrisie dans l’air ?
Tu as conscience d’être porteuse d’un point de vue alternatif, d’un vécu minoritaire ou d’une opinion un peu rebelle et…
La personne en face de toi te scande que c’est elle l’opprimée, la minorité, la personne en marge, car attention :
“La tendance s’est inversée, et moi, je souffre” !
Est-ce que je pense actuellement au plus bouffon des auteurs “littéraire”, blanc, riche, hétérosexuel, quinquagénaire et possédant TOUS les leviers existants pour s’exprimer sans arrêt dans les médias ? Oui.
Est-ce que cette personne, le comble incarné et la représentation parfaite du dominant dans toute sa splendeur, vient d’écrire un livre ENTIER pour se plaindre qu’il est opprimé, qu’il ne peut plus rien dire et faire.
Bon, on savait que ça dérangeait un peu certains hommes qu’on se laisse moins mal payer, discriminer, harceler, violer et tuer qu’avant mais… ils o’osaient pas trop le dire quand même.
Là au moins c’est clair. Bon, je m’égare.
Revenons à ces super arguments :
Je n’ai plus le droit de m’exprimer,
c’est pas toi qui souffre,
c’est moi qui souffre.
C’est un procédé très adroit pour faire croire à son interlocuteur que c’est lui qui empêche la discussion. Et qu’il ne peut pas se fier à son ressenti et à ses connaissances.
Alors que non, les arguments “on ne peut plus rien dire” ou “c’est vous qui prenez toute la place” ne sont pas des arguments. Entre gaslighting, sophisme et raisonnement fallacieux, il y a le choix !
Et le lien avec le sujet du jour, il arrive
La complainte d’une mère comme les autres
Ça part d’un post Instagram.
Un post assez simple, dans un esprit “je vais raconter ma façon de vivre ma maternité”… mais aussi “je vais être courageuse et porter la voix de celles qui n’osent plus parler”.
AH le voilà notre syndrome du “on peut plus rien dire”.
Bon. Quand c’est une femme qui pointe du doigt un autre groupe de femme, ça pue. Ça ne sent pas trop la sororité et l’empathie, mais plutôt le sexisme intégré. Peut-être pas, attendons la suite…
On a plus le droit d’être heureuse dans la maternité
Ah. première nouvelle. Autrement dit :
Les mères se doivent d’être malheureuse ? Vraiment ?
Mon feed instagram ne me dit pas la même chose. Ces stars et ces influenceurs qui posent tous sourire avec jolis bidons ronds, petits chaussons, et tenues de toute la famille assortie… m’inspirent plutôt l’inverse.
La maternité et les nourrissons sont et restent très glamourisés dans toutes les tranches de la société et des médias. Tout est beau, pastel, beige et blanc. Tout est doux, moelleux et cocon. Des images d’Épinal, des éclats de rire, des gazouillis… et parfois quelques cernes.
Il y a la maternité instagramable et puis…
C’est vrai qu’il y a aussi ces comptes qui amènent un vent de déculpabilisation sur les questions honteuses, les incompréhensions des jeunes parents sur le fonctionnement de leur progéniture, les difficultés qu’on n’ose pas dire, les regrets inavouables, les larmes de honte…
Ces comptes qui partagent des vécus différents, des informations sur la dépression post-partum, des photos pour dédramatiser ces corps qui se transforment et ne reprennent pas la forme initiale tant convoitée…
Il y a l’autre face de la maternité
Ces comptes montrent une autre réalité. Est-ce une réalité plus vraie ? Plus légitime ? Plus nécessaire et utile ? Est-ce qu’elle n’aurait pas sa place sur Instagram ?
Il n’y en a plus que pour les femmes qui scandent à tout va que c’est horrible et qui se plaignent 24h/24 de leur vie en stories
Jalousie ? Comment peut-on en venir à envier la position de ces mères pour qui c’est dur ? Pourquoi prendre le raccourci facile de ne pas les croire ?
Être mère ne peut pas être si dur !
Ce serait exagéré ? Les femmes exagèrent toujours : c’est un biais sexiste bien connu. On lui doit notamment les retards considérables pris sur l’étude et le soin de l’endométriose !
Impression de ne pas être le centre de l’univers car la “mode” est aux ressentis nuancés ? Sensation qu’un vécu est moins valable quand il semble minoritaire, quand il n’est pas unanimement partagé ? Sans doute.
Mais c’est exactement le ressenti partagé par ces mères indignes et malheureuses pendant des décennies et des centenaires et…
Un ras-le-bol d’avoir peur de dire que tout va bien, parce que sur les réseaux tout le monde parle comme s’il n’y avait que des robots en face….
De l’empathie pour comprendre
T’as peur de te prendre un shitstorm et c’est compréhensible. (“tempête de merde” pour les non anglophone, sympa hein ?)
Alors j’imagine : Tout va bien, tout roule avec ton bébé, tu te sens bien, tu le dis un peu beaucoup, car ça te fait plaisir et qu’on est fait pour partager le bonheur, nous les humains.
Pis Micheline débarque et te lance un commentaire acerbe, Claudie une remarque moqueuse, Jeannine une phrase passive-agressive-jalouse que tu sais pas comment prendre. Marc enchaine avec un petit mot misogyne et Rachelle en rajoute une couche en te faisant remarquer que tout ce que tu as tu l’as forcément obtenu sur un plateau sans effort.
Toujours des commentaires négatifs
Bref, tout le monde t’emmerde sans se demander ce que ça fait de lire et d’entendre tout ça.
Et puis toi, de ton côté, tu scrolles et tu vois passer plein de témoignages touchants, mais tristes, plein d’amour, mais plein de larmes et plein de colère aussi.
Est-ce que ce sont ces personnes-là, qui te manquent de respect ?
Tu découvres que d’autres mères vivent différemment une expérience si positive pour toi. La maternité angoissée, les crises de nerfs, les RGO, le manque de sommeil qui rend fou, les poussées de fièvre et les bronchiolites qui s’enchainent tout l’hiver, les papas absents, la charge mentale de ouf.
Est-ce que ces mères forment un groupe uniforme qui t’attaque de front ?
Mais vois-tu l’envie d’en rire aussi, le besoin vital de râler, de parler, de décompresser, de partager pour se sentir moins seule et tenir bon.
Vois-tu la nécessité de faire expérience commune pour transcender la difficulté ?
Aveuglée, tu n’es plus capable d’entendre d’autres vécus
Pourquoi ces propos sont problématiques ?
Par ce que la majorité des mères vivent sans doute bien leur maternité, dans l’ensemble. En tout cas, si ce n’est pas la réalité, c’est l’image dominante depuis longtemps maintenant.
Cette image a tout juste été nuancée par une vague de prise de parole à contre-courant. Il a fallu une, puis deux, puis trois courageuses au départ. Avant de créer cette vague.
Ce n’est pas un tsunami, c’est juste une langue de mer qui vient nettoyer, apaiser, assaisonner la réalité pour la nuancer. Juste un peu plus de justesse dans toute la palette d’expériences qui composent la maternité, de la grossesse à… jamais.
Je peux comprendre que cela soit dur d’être heureuse
Je peux comprendre que cela soit dur à appréhender pour quelqu’un qui vit quelque chose de très différent.
Je peux comprendre que cela soit inconfortable de se sentir davantage du côté du stéréotype critiqué que du côté de la tendance de la maternité critique et décomplexée.
Mais je n’accepte pas le bâillonnement des femmes
Je n’accepte pas le retournement de situation à son avantage, au détriment de la réalité statistique et de la santé mentale et physique d’autres femmes !
Je n’accepte pas la manipulation émotionnelle de son audience pour entretenir des biais sexistes qui enferment les femmes et musèlent leur parole dans une direction étriquée et unique !
Je n’accepte pas l’instrumentalisation de son inconfort pour faire taire d’autres femmes. Dans l’ignorance complète des portées potentielles de son geste
.
Quelle solution ?
Plus d’empathie, plus d’ouverture, plus d’instruction sur les oppressions que vivent les femmes, les autres, et toi aussi ?
Plus de mesure dans ces prises de paroles sur internet quand il s’agit de s’adresser à un groupe de personne que l’on ne connaît pas bien… plus de recherche et de discussions, d’échanges en amont.
Plus de réflexions, moins de prise de parole à chaud.
Et toujours autant, si ce n’est plus, de partage de son vécu, de sa vraie vie, de sa sincérité, de ce que l’on veut !
Moins de demandes et plus de don. Mais loin du “tu t’exposes donc tu subis” à combattre aussi.
Plus de contrôle sur ce que l’on voit, plus de tri dans les comptes que l’on suit : ce qui nous fait du mal, ne nous nourrit pas, nous énerve, nous touche trop, etc…