Moi, je suis une bonne mère
Dire que l’autre est un monstre, ou dire que l’autre est une mauvaise mère… c’est dire que l’on est soi-même une bonne mère.
Car on DOIT être une bonne mère.
Mais sinon quoi ?
Bon, s’il suffit de garder son enfant en vie…
ça va, l’objectif est facilement atteignable.
Mais être une bonne mère c’est quoi ? allez hop une petite liste à la volée :
Accoucher sans péridurale pour ne pas se “déconnecter de son enfant” ?
Allaiter et faire du cododo “parce qu’il est si petit il a besoin de proximité” ?
Lui donner des repas bio et faits maison “parce que c’est son capital santé pour la vie” ?
Lui offrir tout le catalogue de jeux en bois Montessori “parce que le plastique c’est froid et inanimé” ?
Le mettre à la crèche parce qu’il a “besoin de sociabiliser avec des enfants de son âge” ?
Faire plein d’activités manuelles avec lui “parce qu’il faut stimuler son développement” ?
Lui apprendre à gérer ses émotions seul “parce que cela lui sera utile dans la vie” ?
Lui interdire tout écran jusqu’à 3 ans et plus parce que cela va détruire son cerveau” ?
Ne jamais faire preuve de fermeté et d’autorité “parce que l’imposition des choix des adultes est déjà une forme de maltraitance” ?
Consacrer sa vie à son enfant en s’oubliant sur tous les autres plans “parce que ça passe vite et qu’il n’a pas demandé à venir au monde” ?
Ne pas s’oublier, rester active dans sa vie sociale d’adulte, prendre soin de son apparence et de sa maison, avoir un job, rester avec le papa même si c’est un tocard… ?
La liste est infinie
Elle est marqué par les tendances de ces dernières années. Car les critères d’éligibilité à la bonne mère évoluent vite sur certains domaines, sont contradictoires dans d’autres.
Il n’y a pas si longtemps le cododo était interdit, aberrant, et la bonne conduite était de mettre le berceau le plus vite possible dans sa chambre d’enfant.
On conseillait aux parents de laisser pleurer leurs enfants des heures si nécessaires, sans aller les voir car cela aurait été céder à un “caprice” et ne pas leur rendre service, jusqu’à ce qu’ils se fassent à l’endormissement dans la solitude.
Les codes évoluent
Il n’y a pas si longtemps l’allaitement au biberon était la norme, conseillé pour que le papa “prenne sa place”, pour la praticité, l’hygiène, le suivi des quantité absorbées, les heures fixes de repas… Et parce que le sein, faut pas déconer, c’est quand même un objet sexuel destiné au plaisir du mari !
Aujourd’hui, on a parfois évolué dans la nuance, l’ouverture, le choix conscient, personnel et informé des avantages et inconvénients… et parfois on a évolué vers une autre injonction, un autre extrême réducteur et culpabilisant.
La science a parfois amené de bonnes choses, nous éclairant pour mieux prendre en compte les besoins auparavant méconnus des bébés et enfants.
Et parfois la science a été détournée, transformée, amplifiée pour créer de nouveaux standards inatteignables et aliénants pour les mères.
Malgré toutes les bonnes intentions de départ.
On peut abimer un meuble en suivant les instructions de montage du mode d’emploi… alors qu’on aurait peut-être mieux réussi en se fiant plus à nos observations personnelles.
Sexisme intégré
Une dernière cause de cette dichotomie bonne / mauvaise mère et le sexisme, et le sexisme intégré.
Le sexisme intégré, c’est très simple et c’est terriblement dur à déloger.
C’est le sexisme des hommes adopté involontairement par les femmes, intégrée dans leur propres pensées par des années d’éducation teintée dans le bain d’une société patriarcale.
C’est le frein principal à la sororité. C’est un des coup de pouce au boys club. C’est l’explication du “j’aime pas les groupes de filles, mais elle ça va, c’est pas une fille comme les autres”. C’est un levier du syndrome de la Schtroumpfette, etc…
Le sexisme intégré c’est quand on juge durement une femme pour pouvoir se dire “elle est moins bonne que moi”.
Sauf qu’on ne se dit pas les choses comme ça dans notre petite tête, c’est plus subtil.
Alors comment on sort de ça ?
La nuance
La nuance est souvent la solution pour régler les jugements intempestifs et trouver un équilibre entre deux “extrêmes” (mais ça ne s’applique pas au racisme par exemple).
Et plus concrètement, l’ajout d’une petite voix plus bienveillante qui nous chuchoterait, après chaque petit jugement négatif quelque chose comme ça :
Je ne connais pas toute la situation, elle fait du mieux qu’elle peut avec les moyens du moment, et ses enfants ont l’air de se sentir bien…
Il n’y a pas de bonnes et de mauvaises mères…
Il n’y a que des mères qui font ce qu’elles peuvent.
Il n’y a que des mères qui essaient de jongler comme elles le peuvent, souvent sans une grande aide de la part du co-parent, entre les besoins excréments nombreux de leur progéniture et leurs propres besoins... quand ils ne passent pas complètement à la trappe !
Et puis il faudrait peut-être rappeler que la plupart des enfants ont un père aussi. Ou un co-parent.
Et le père ?
Et c’est quoi un bon père ? un mauvais père ? Les exigences sont-elles vraiment au même niveau ou attendons nous tous et toutes à plus d’expertise, de sacrifices, de talents et de réactivité de la part des mères ?
En tout cas, tant qu’il n’y a pas séparation dans l’air, on ne se pose pas trop la question j’ai l’impression ?